Par Amit Bakhirta

« Le socialisme est une philosophie de l’échec, le credo de l’ignorance et l’évangile de l’envie, sa vertu inhérente est le partage égal de la misère. »

Winston Churchill

«Le socialisme se trouve usuellement sur la voie du communisme », et cela du point de vue d’un système socio-politico-économique. Même si cette citation de Churchill résonne à l’extrême droite du spectre d’une perspective socioculturelle et économique, il faut comprendre l’essence psychoculturelle du socialisme et ses meurtrissures durables, de manière à éviter cette sombre voie.  

Les dépenses sociales presque partout dans le monde ont augmenté depuis la crise du Covid-19. Environ 50 % des dépenses budgétaires de Maurice sont aujourd’hui des dépenses à caractère social. 

Idéalement, selon notre humble analyse, il devrait s’agir d’un tiers, dont deux tiers seraient consacrés à des investissements productifs pour nos générations futures (en moyenne sur des cycles économiques à long terme). Nous approfondirons ci-après quelques aspects élémentaires de la montée de ce phénomène aux niveaux mondial et national.

Le socialisme

Le socialisme est à la fois un système économique et une idéologie (au sens non péjoratif du terme !). Une économie socialiste se caractérise par une propriété sociale, plutôt que privée, des moyens de production. 

Le socialisme organise aussi généralement l’activité économique par la planification plutôt que par les forces du marché, et oriente la production vers la satisfaction des besoins plutôt que vers l’accumulation de profits. L’idéologie socialiste affirme la supériorité morale et économique d’une économie présentant ces caractéristiques, notamment par rapport au capitalisme. 

Plus précisément, les socialistes soutiennent généralement que le capitalisme mine la démocratie, facilite l’exploitation, distribue injustement les opportunités et les ressources et vicie la communauté, retardant ainsi la réalisation de soi et le développement humain. Idéologiquement, le socialisme, en démocratisant, humanisant et rationalisant les relations économiques, éliminerait en grande partie ces problèmes.

À l’opposé du capitalisme

Considéré comme un système économique, le socialisme peut également être mieux compris par opposition au capitalisme.

Le capitalisme désigne un système économique présentant toutes les caractéristiques suivantes : les moyens de production sont, pour la plupart, privés ; les gens sont propriétaires de leur force de travail et sont légalement libres de la vendre à d’autres (ou de la refuser) ; la production est généralement orientée vers le profit. Les entreprises ne produisent pas en premier lieu pour satisfaire des besoins humains, mais plutôt pour gagner de l’argent. Et les marchés jouent un rôle majeur dans l’attribution des intrants à la production de matières premières et dans la détermination du montant et de l’orientation des investissements.

Il existe une distinction importante au sein de la pensée marxiste qui mérite d’être mentionnée lorsque l’on examine ces deux systèmes économiques. C’est la distinction entre le socialisme et le communisme.

Le communisme

Le socialisme et le communisme sont tous deux des formes de post-capitalisme. Tous deux mettent en avant la propriété sociale plutôt que privée des moyens de production. Tous deux, au sein de l’orthodoxie marxiste, rejettent la production marchande pour le profit en faveur d’une production planifiée pour l’usage. Mais au-delà de ces similitudes importantes se cachent des différences significatives. 

Dans la Critique du programme Gotha, la discussion la plus complète de Marx sur ces questions, il divise le post-capitalisme en deux parties, une « phase inférieure » (appelée plus tard « socialisme » par les disciples de Marx) et une « phase supérieure » (communisme). La phase inférieure suit immédiatement le capitalisme et lui ressemble donc à certains égards. 

Comme Marx le dit de manière mémorable, le socialisme est « à tous égards, économiquement, moralement et intellectuellement, encore marqué des marques de naissance de la vieille société du sein de laquelle il émerge » (Critique du programme Gotha, 614). 

Dépenses sociales

Les dépenses sociales en pourcentage du PIB sont un indicateur crédible. Dans sa mise à jour des dépenses sociales (« SOCX »), les principales conclusions de l’Organisation de la coopération et du développement économiques (OCDE) peuvent être résumées comme suit :

« Avec l’apparition de la pandémie de COVID-19, le ratio des dépenses sociales publiques par rapport au PIB est passé de 20 % du PIB en 2019 à 23 % en 2020 dans l’ensemble de l’OCDE en moyenne. Cette hausse du ratio dépenses/PIB était en grande partie (plus de 80 %) due à une augmentation des dépenses plutôt qu’à une baisse du PIB. Les expériences de chaque pays diffèrent sensiblement… L’augmentation du ratio des dépenses sociales publiques par rapport au PIB en 2020 est largement liée à une augmentation des dépenses consacrées aux programmes de santé, de chômage et de marché du travail actif ainsi qu’aux programmes de soutien en espèces soumis à conditions de revenus en réponse à l’épidémie de la pandémie du COVID-19. 

Rétrospectivement, la crise financière mondiale a conduit à un pic du ratio dépenses sociales publiques/PIB à 20,6 % en 2009, et il a fallu 10 ans de croissance économique continue pour qu’il tombe à 19,8 % du PIB en moyenne dans l’ensemble de l’OCDE. En revanche, depuis le pic de 2020, le ratio moyen des dépenses publiques au PIB a chuté rapidement pour atteindre 22 % du PIB en 2021 et aurait été estimé à environ 21 % du PIB en 2022. À près de 8 % et 6 % du PIB en 2020, en moyenne respectivement dans les pays de l’OCDE, les retraites et la santé sont les principaux domaines de dépenses sociales publiques. »

Dans le graphique ci-dessous, on peut clairement voir que Maurice, avec un ratio estimé de 19,5% des dépenses sociales par rapport au PIB, se situe près de la moyenne des pays de l’OCDE, c’est à dire 20 %.

ANNEAUEn termes simples, le ratio dépenses sociales/PIB de Maurice, contrairement à d’autres économies émergentes (Inde, Mexique), est extrêmement élevé, à notre humble avis. Nous n’avons pas encore atteint un tel stade d’économie développée où la part de nos dépenses budgétaires annuelles peut être allouée aux dépenses sociales plutôt qu’aux dépenses en capital.

Les dépenses sociales en pourcentage des dépenses budgétaires sont un indicateur encore plus précis. Il faut cependant, à notre humble avis, différencier l’élaboration des politiques publiques à court terme de celle à long terme, voire à hyper terme. 

Une pondération idéale est que les dépenses sociales, par opposition aux dépenses budgétaires totales, devraient osciller autour d’un tiers des dépenses budgétaires totales (cela laisse les deux tiers qui sont investis dans des projets d’investissement productifs qui ont des avantages relativement monétaires et de productivité pour la société, sur le long à hyper terme). 

Les dépenses sociales de Maurice au cours des dernières années ont explosé (toujours en ligne avec les pays de l’OCDE, mais notre modèle économique et notre cycle de croissance ne sont pas ceux d’un pays développé, mais plutôt ceux d’un pays émergent) pour atteindre aujourd’hui environ 50 % des dépenses budgétaires. En 2023, on estime que les dépenses sociales représentaient 47 % du budget national : pension de vieillesse (Rs 44 milliards), subsides & dons (Rs 33 milliards) et prestations sociales (Rs 17 milliards), soit un total de Rs 94 milliards sur une dépense budgétaire de Rs 200,3 milliards ! Pour 2024-25, la tendance est susceptible de s’amplifier.  

Plus nous dépasserons 50 % à 55 % de nos dépenses budgétaires, sur le long terme, plus il sera difficile de renverser cette tendance. Encore plus important encore, au fil de l’espace-temps, les gens deviennent dépendants de ce système économique, et les empreintes psychoculturelles risquent de se transmuter en poison!

Changements structurels

Nous avons souligné à maintes reprises la nécessité pour le pays de s’engager dans des changements structurels socio-culturels et économiques audacieux. Chez Anneau, l’une des premières sociétés de services financiers à avoir initié ce besoin essentiel, nous avons été cohérents sur la nécessité cruciale pour notre pays de s’engager dans des réformes structurelles socio-politico-économiques, depuis quelques années.

Nous avons cruellement besoin de réformes structurelles, mais aussi fiscales.

Nous constatons maintenant que même le Fonds monétaire international commence à souligner ce besoin crucial de réformes (entre autres : la consolidation budgétaire, la réforme de notre système de retraite, la nécessité d’augmenter les recettes fiscales et de réduire notre endettement sans nuire à la croissance économique, une plus grande efficacité de la politique monétaire, des mesures structurelles ainsi que le renforcement de notre lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme) à cette étape importante de notre développement socio-économique.

Les chiffres ne mentent pas. Nous avons cruellement besoin de réformes structurelles, mais aussi fiscales.

Nous restons persuadés qu’on remarquerait sûrement que la France a un ratio dépenses sociales/PIB de 31% (le plus élevé au monde). Ce qui est intéressant, c’est la manière dont le « socialisme relatif » a freiné la croissance de leur PIB réel par rapport à l’Allemagne au cours des 33 dernières années !

Sans crier littéralement à la causalité, mais avec l’ultime sagesse : « Ô homme, sois sûr que les effets que tu produis sont toujours les causes d’effets plus parfaits… Celui qui descend en bas doit s’équilibrer », dit Hermès Trismégiste.

Amit Bakhirta
Amit Bakhirta est le fondateur et CEO d’Anneau, une société de services financiers.