Par Eric Ng Ping Cheun

Véritable coup de semonce pour les Mauriciens, le Covid-19 a forcé la population au confinement et mis l’économie à l’arrêt. Même s’il est encore trop tôt de penser à l’après-coronavirus, on anticipe un monde qui sera différent. « Tout ne recommencera pas comme avant », affirme le prix Nobel d’économie Esther Duflo dans un entretien à Le Point du 19 mars. Qu’est-ce qui pourrait changer pour l’île Maurice ? Sans doute le comportement économique et social, si les enseignements tirés sont valorisés.

Le premier point positif dans cette crise, c’est qu’elle permet à notre planète de respirer et de se régénérer. Moins de pollution de la part de l’industrie et des transports : une conscience écologique se renforcera chez nos opérateurs économiques, qui favoriseront une économie décarbonnée. Moins de béton : des terres privées seront consacrées à la sécurité alimentaire. Moins de saletés dans les lieux publics : les gens, ayant vécu l’absence du service de voirie, retrouveront le sens du civisme et de l’hygiène. Moins de gaspillage des ressources : nos ménages réapprend la frugalité pendant le confinement, à rebours de la frénésie de consommation à laquelle ils s’adonnaient avant. Moins de morts sur nos routes : nos automobilistes auront compris ce que le non-respect d’un code de conduite peut coûter en termes de vie humaine, comme l’insouciance devant un virus invisible.

Autant l’écologie sera au centre de nos intérêts, autant nous aurons encore plus soif de croissance économique. Le ministère des finances prévoit une contraction de 7% à 11% de l’économie mauricienne cette année – du jamais vu depuis 1980 : les Mauriciens (re)font l’expérience amère de la décroissance et ne voudront plus y goûter à nouveau.Tant pis pour les tenants de la démondialisation : une petite économie comme Maurice ne croît qu’en participant pleinement aux échanges internationaux de biens (textiles) et de services (tourisme, transport, finance). La coopération internationale des expertises médicales dans la lutte contre le Covid-19 aura convaincu les Mauriciens des bienfaits de la mondialisation.

S’endetter sans penser au lendemain, c’était Maurice la cigale.

Ceux-ci, bien sûr, ne s’obtiennent pas par la volonté divine, mais par le travail et l’épargne, deux valeurs que les Mauriciens auront redécouvertes. Ils sentent cette farouche envie de travailler plutôt que de rester confinés à la maison. Ils prennent conscience de l’importance de l’épargne pour survivre quand les entreprises sont fermées pendant des semaines. S’endetter sans penser au lendemain, c’était Maurice la cigale. La bise sera venue.

Le gouvernement, lui, continuera à montrer le mauvais exemple sur ce plan. Certes, il doit recourir à plus d’endettement pour financer les coûts économiques et sanitaires de cette épidémie. Mais une fois celle-ci endiguée, il ne fera aucun effort pour se désendetter, car la reprise tardera.

Restons positif. A la suite du Covid-19, les Mauriciens compteront davantage sur eux-mêmes que sur les politiciens. Ils retrouveront le goût de l’autonomie, se prendront en charge et s’assumeront, laissant l’aide publique aux personnes objectivement incapables de subvenir à leurs besoins. Le coronavirus leur aura inculqué la responsabilité individuelle.

Eric Ng Ping Cheun
Eric Ng Ping Cheun est l’auteur de Maurice la cigale (2019), en vente chez Bookcourt, Editions Le Printemps, Editions de l’Océan Indien, Librairie Petrusmok, Librairie Le Cygne et Librairie Le Trèfle.