Par Eric Ng Ping Cheun

Le nombre journalier de décès à Maurice est en moyenne de 30. Imaginez les radios consacrer, matin, midi et soir, leur première information à la rubrique nécrologique. Vous finirez par voir la vie tout en négatif. C’est le même sentiment qui se dégage lorsqu’on entend, à longueur de journée, le nombre de cas positifs au Covid-19 qui, pourtant, entraînent très peu de décès. Il n’y a pas de plus mortel pour l’économie que le virus de la peur, tout comme en matière de changement climatique.

Le catastrophisme fait vendre les journaux et booster l’audience des radios. En particulier, l’alarmisme climatique domine les médias dans un torrent d’hyperboles. La couverture médiatique des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) se résume à sélectionner les morceaux qui sont alarmants. Les risques extrêmes mais peu probables sont amplifiés dans les médias, puis repris en choeur par les militants écologistes qui n’aimeraient pas avoir tort.

Paradoxalement, affirment deux chercheurs en climatologie, Zeke Hausfather et Glen Peters, ce biais de négativité journalistique peut conduire à l’apathie climatique. Présenter le futur sous le pire scénario peut engendrer défaitisme et fatalisme, du moins contribuer à démobiliser les gens. Pourtant, le scénario catastrophe, qui implique un retour massif au charbon, devient de plus en plus improbable, car il ignore les politiques d’atténuation du changement climatique.

De la science au scientisme

Commentant le sixième rapport du Giec dans The Wall Street Journal du 10 août, le professeur de physique Steven Koonin, ancien conseiller climat du président Obama, écrit que « things aren’t anywhere near as dire as the media say », et que « as usual, the media and politicians are exaggerating and distorting the evidence in the report ». Un rapport qui est « written by several hundred government-nominated scientists », que nous appelons chez nous des nominés politiques.

Le Giec n’est pas un organisme de recherche scientifique, mais un organisme politique. S’il utilise les travaux de recherche publiés par des scientifiques, il n’a pas pour rôle de faire des recommandations. Le travail des scientifiques, dans le cadre du Giec, est de faire un état des lieux des connaissances à un instant T. Or les préjugés politiques peuvent colorer les questions de recherche. Le grand mathématicien Leibniz disait, avec justesse, que même les théorèmes géométriques seraient contestés si la géométrie avait le moindre intérêt politique.

Une théorie doit relever de la science plutôt que de la croyance. La science fait des conjectures et des hypothèses, et vérifie si elles sont vraies ou fausses. La science n’est pas là pour ordonner : elle décrit, elle ne prescrit pas.

Mais avec les sciences d’État, la science prend la fonction des prêtres et des brahmanes, au lieu d’être l’esprit critique des discours d’autorité. Elle dérive vers le scientisme avec une caste de savants qui donnent des mots d’ordre pour changer la société. La science du climat, qui est encore pleine d’incertitudes selon l’Académie française des sciences, se pose comme un substitut du marxisme qui, avant de s’écrouler, fut présenté comme une théorie scientifique de l’histoire.

Une vraie science progresse par un débat raisonné entre opinions divergentes, et non par des censures et des exclusions dans le conformisme idéologique. Masquer tout autre point de vue est le propre de la propagande. La manière sélective de créer un groupe d’experts est en elle-même anti-scientifique, car les sciences se nourrissent des échanges de chercheurs venus d’horizons divers. Dans la mission du Giec, qui est d’étudier les « risques liés au changement climatique d’origine humaine », une théorie est déjà implicitement imposée, celle du rôle prépondérant des émissions humaines de dioxyde de carbone (CO2) dans le réchauffement climatique, ce qui ne permet pas à la doxa du Giec de mettre en doute cette part humaine.

L’origine naturelle du réchauffement

Il ne manque toutefois pas de scientifiques, très peu médiatisés, pour qui il n’est pas scientifiquement établi que les émissions humaines sont la cause principale du réchauffement de la planète. Pour Koonin, le CO2 émis par l’homme n’influence que très peu la température de l’atmosphère en raison de la saturation de l’effet de serre du CO2 par le CO2 naturel. Tout comme une couche de peinture noire sur une vitre noire ne la rend pas plus opaque, le CO2 anthropique ne change pratiquement rien au réchauffement dû au CO2 naturel.

Culpabiliser l’homme ne mènera nulle part.

Pascal Richet, de l’Institut de physique du globe de Paris, lui aussi remet en cause les théories du réchauffement anthropomorphique : « Le CO2 n’est pas le moteur de l’évolution de la température. C’est le contraire qui est vrai : l’évolution de la température entraîne celle du CO2. » Autrement dit, la croissance du CO2 est une conséquence, et non une cause, du réchauffement.

Les océans renferment 45 fois plus de carbone que l’atmosphère terrestre. Les dégazages naturels des océans chauds, qui sont 16 fois plus importants que les émissions humaines, font augmenter le CO2 dans l’atmosphère. Lorsque les océans intertropicaux se réchauffent, ils rejettent plus de CO2 qu’ils n’en absorbent. Les hausses de températures, comme la Terre en a vécu pendant des millénaires, seraient donc dues au mouvement des planètes davantage qu’à l’activité humaine.

Un ancien membre et fondateur du Giec, Indur Goklany, de la Global Warming Policy Foundation, soutient que les vagues de chaleur étaient plus extrêmes et plus fréquentes dans les années 1920 quand les concentrations atmosphériques de CO2 n’étaient que de 75% de celles d’aujourd’hui. Il affirme aussi que presque toute la hausse du niveau de mer depuis la fin de la dernière période glaciaire est antérieure à l’usage des combustibles fossiles par l’homme, et que l’élévation du niveau de mer est normale dans une période interglaciaire, période où nous sommes. On peut trouver d’autres argumentations sur l’origine naturelle du réchauffement climatique dans l’excellent ouvrage Apocalypse Never de Michael Shellenberger, un « Hero of the Environment » du magazine Time.

Stratégie d’adaptation

Il ne s’agit nullement de nier le réchauffement climatique. Mais culpabiliser l’homme ne mènera nulle part, sauf à vouloir imposer la décroissance par un nouveau collectivisme qui entraînerait la paupérisation de la société. Les risques posés par le réchauffement, s’ils sont certains, ne sont pas quantifiables, tant ils sont loin dans le futur.

Les prévisions de la climatologie ne reposent pas sur des expériences en laboratoire, mais elles sont faites à l’aide de modèles et de simulations assistées par ordinateur. L’inconvénient avec cette technique, c’est que la moindre petite erreur change drastiquement le résultat final. Si l’on n’arrive pas à prédire ce que seront les températures locales dans quelques semaines, il faut manquer singulièrement d’humilité et d’honnêteté pour prétendre déterminer ce que sera le climat dans 80 ans !

Les sceptiques sont ceux qui ne croient pas en « l’homme, notre ultime ressource ».

L’impossibilité de prédire le futur par la modélisation d’un nombre incalculable de variables sert à démontrer la grande incertitude sur les risques qui méritent notre attention. Les cassandres du climat disent qu’il faut « agir vite ». Cette obsession pour les échéances n’est pas nouvelle. Or les priorités se succèdent dans un monde de « unknown unknowns ». Il y a un an, la pandémie du Covid-19 était la priorité absolue de tous les gouvernements, et elle continue de l’être. Ce fut auparavant… le réchauffement climatique, et jadis, la menace terroriste. Demain, ce sera peut-être l’hyperinflation, et après-demain, l’implosion du système de retraite par répartition.

Ainsi, les phénomènes complexes comme le climat ou l’économie ne sauraient faire l’objet d’une ingénierie sociale via une intelligence directive. Cela ne signifie pas qu’on ne doit rien faire. Simplement, il faut une stratégie d’adaptation qui fait confiance à l’économie de marché et à ses acteurs de trouver les solutions adaptées au problème climatique. Il convient d’être optimiste sur les avancées technologiques, les innovations et la créativité humaine pour parer aux menaces climatiques. Les sceptiques sont ceux qui ne croient pas en « l’homme, notre ultime ressource » (Julian Simon).

Il est évident que cette approche décentralisatrice, qui a montré sa supériorité sur la planification centrale, n’a pas sa place dans l’orbite intellectuelle des activistes qui tiennent à la fois un discours apocalyptique et un discours utopique sur la possibilité de tout changer. C’est très millénariste et très occidental. Ce qui donne lieu à une controverse aussi ésotérique que celle sur la vaccination contre le coronavirus.

Eric Ng Ping Cheun
Eric Ng Ping Cheun Cheun est l’auteur de Maurice la cigale (2019), en vente chez Bookcourt, Editions Le Printemps, Editions de l’Océan Indien, Librairie Petrusmok, Librairie Le Cygne et Librairie Le Trèfle.