Par Gillian Geneviève

Nous voyageons parce que nous sommes en quête de différences, nous sommes en quête du différent. Imaginons, un moment, un monde totalement uniforme. On serait vite rattrapé par l’ennui, voire le dégoût. C’est viscéralement que la vie nous quémande, voire exige, qu’on se mette sur le chemin de ce qui se distingue de nous, ce qui se distingue de notre quotidien. La différence, c’est ce qui fait le sel de la vie. La différence, c’est ce qui permet la vie.

On connaît les conséquences de l’appauvrissement génétique causé par les mariages consanguins. Le renouvellement, le souffle nouveau, le sang neuf sont les garants d’une vie qui se régénère. Le renouvellement, aussi bien dans notre dimension biologique que notre dimension culturelle, passe par cet étranger qui trop souvent nous fait peur. Par cet étranger qui, par la singularité de son identité, aussi bien nous attire qu’il nous répulse. L’autre nous hèle mais suscite aussi en nous des envies de meurtre.

Illusions de la pureté

Amine Maalouf, écrivain libanais de langue française, académicien et Prix Goncourt en 1993 avec son roman Le rocher de Tanios se posait ainsi, en 1998, dans son essai intitulé Les identités meurtrières, les questions suivantes. Que signifie le besoin d’appartenance collective, qu’elle soit culturelle, religieuse ou nationale ? Pourquoi ce désir, en soi légitime, conduit-il si souvent à la peur de l’autre et à sa négation ? Nos sociétés sont-elles condamnées à la violence sous prétexte que tous les êtres n’ont pas la même langue, la même foi, la même couleur?

Un tour d’horizon, à la fois de l’Histoire et du présent, ne pourrait que nous pousser à donner une réponse à la fois fataliste et tragique : oui, l’homme semble condamné à s’entretuer. Au nom de sa foi. Au nom de la nation. Au nom de son identité.

L’actualité, tristement, se fait l’écho de ce constat. Guerre fratricide entre la Russie et l’Ukraine. Un massacre innommable et inadmissible en cours à Gaza. Violences ou guerres civiles larvées à l’intérieur des territoires perdus de la République, en France, aussi bien nourrie par les cartels de la drogue que la montée en puissance d’une idéologie frériste mortifère anti-française, anti-occidentale remettant en cause les valeurs acquises des Lumières, et cela au nom de l’obscurantisme religieux. Mais aussi, repli identitaire en Hongrie et aux Pays-bas, fièvre nationaliste et montée en puissance de l’Hinduvat en Inde. Triomphe en cours et annoncé du trumpisme aux États-Unis. Montée en puissance de l’influence économique et culturelle chinoise en Afrique.

Bref, le monde se fragmente au fur et à mesure que s’estompent les illusions de la fin de l’histoire et d’une mondialisation heureuse. Mais aussi au fur et à mesure qu’on tend vers le simplisme et qu’on cède à la tentation de résumer l’être à une essence, à une identité singulière.

Le village global dicté par les règles de la démocratie universelle et du libéralisme économique est rattrapé par la dialectique historique hégélienne. Tout phénomène finit toujours par engendrer son contraire. L’uniformisation post-guerre froide, dictée selon les valeurs occidentales au mépris du particularisme, a suscité, au fil du temps, le repli sur soi, le repli vers des normes à hauteur d’homme : claniques, religieuses, nationalistes. L’universalisme est battu en brèche par les réalités et le diktat du terroir ou de la tribu, par les réalités et le diktat de l’identité.

Puisant dans mon expérience personnelle, dans l’histoire du monde, l’actualité ou la philosophie, je vais interroger cette notion cruciale qu’est l’identité. On essayera de démontrer comment, loin d’être donnée une fois pour toutes, l’identité est une construction qui peut varier.

On essayera aussi de cerner ses illusions, ses pièges et ses instrumentalisations avant de nous attarder un peu sur l’identité mauricienne et, finalement de conclure sur une réflexion à la fois philosophique et maçonnique sur le sujet afin d’identifier les conditions d’un humanisme ouvert qui refuse à la fois l’uniformisation planétaire et le repli sur la tribu.

L’homme n’est pas qu’une donnée biologique définitive, il est constamment un devenir.

D’abord, afin que les choses soient claires et pour qu’on puisse jeter les bases de notre réflexion il est nécessaire de dire qu’on ne simplifie pas le complexe, et surtout on ne résume pas l’homme et la société humaine, qu’elle soit mauricienne ou pas. Pour citer Pascal : « Quelle chimère est donc l’homme ? Quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige ! Juge de toutes choses ; imbécile ver de terre ; dépositaire du vrai, cloaque d’incertitude et d’erreur ; gloire et rebut de l’Univers. »

Nous sommes tout et rien. Nous tendons vers la singularité et nous cheminons sur les sentiers de la pluralité. Nous sommes individus, donc, par essence indivisibles, mais nous sommes aussi fragments, êtres de chair et de sang pris dans le flux et reflux des ondes et de la lumière, flux et reflux des idées, flux et reflux des émanations du monde et du cosmos. Poussières d’étoiles, nous avons l’âme émiettée par la force de l’Histoire et ballottée aux quatre coins des possibilités existentielles dans le ballet incessant du devenir. L’homme n’est pas qu’une donnée biologique définitive, il est constamment un devenir.

Pièges de l’appartenance identitaire

Je n’échappe pas à cela. Né au confluent de plusieurs traditions, fils d’une mère anglicane priant au quotidien pour le salut de son fils (elle-même issue d’une lignée métissée indienne et française) mais fils également d’un père né catholique mais par la suite agnostique, et trouvant finalement son salut dans une religion non-transcendentale, le communisme, je fus très tôt athée, trotskiste avant de devenir successivement anti-mondialiste, altermondialiste, socialiste avant de glisser un peu plus à droite en devenant social-démocrate trouvant des vertus au marché dans sa version régulée.

Mauricien de naissance, je suis fils de l’insularité mais porté, dans un premier temps, par la littérature et la langue française, puis, dans un deuxième temps, par la littérature monde, je navigue au gré des mots et des idées dans les méandres du devenir humain, subissant les affres des vents venus des quatre coins du monde en martyr volontaire du devenir et du mouvement incessant du monde et de l’histoire.

Désormais, depuis huit ans, je suis à la lisière de plusieurs langues, de plusieurs pays, de la croyance et de l’incroyance, de plusieurs convictions politiques, de plusieurs rives littéraires et culturelles. Bref, si au préalable je suis une donnée biologique particulière, je suis aussi une construction. Bref, je suis un processus. C’est précisément cela qui définit mon identité. Et j’ajouterai : à l’image de nous tous.

Pourtant, souvent, lorsque j’ai fini d’expliquer patiemment pourquoi je revendique pleinement l’ensemble de mes appartenances identitaires, on ne peut pas s’empêcher d’insister pour me demander malgré tout qui je suis au fin fond de moi-même ! Soulignant ainsi qu’il y a au fin fond de chacun une seule appartenance qui compte, comme une vérité profonde, une essence identitaire qui ne changera plus. Et cela nonobstant tout le reste : mon parcours, mes convictions acquises, ma sensibilité, mes affinités, mon évolution philosophique, les remises en question, bref, mon vécu.

Cette appartenance fondamentale est souvent religieuse ou nationale ou raciale ou ethnique, et on est appelé à la brandir fièrement. Cela n’est en soi pas un problème. On peut se montrer fier d’être mauricien ; juif, on peut trouver et partager la conviction que la pensée juive est particulièrement et intellectuellement féconde ; chrétien luthérien, on peut se dire et dire que le Dieu des chrétiens a inspiré le génie de Bach et que sa musique est justement… divine ; musulman, on peut revendiquer, au nom du débat, que l’islam d’Averroès et sa démarche philosophique ont nourri la pensée occidentale. Mais, là où cela devient problématique, c’est quand on est dans une démarche binaire et qu’on brandisse cette appartenance qui se veut fondamentale à la face de l’autre. Dans une logique de defiance et d’affirmation d’une supériorité au fond souvent fictive, voire illusoire.

C’est cette démarche qui porte les germes de la haine, du danger, du conflit ou de la guerre. C’est cette démarche qui rend une identité, mise en exergue, sublimée au mépris de la complexité de l’être, au mépris de notre propre diversité et complexité, dangereuse.

On est alors résumé à quelques traits souvent grossiers, tendant vers la généralisation et ne disant que peu de choses sur ce qui nous définit réellement. Piégé dans une identité, on est alors appelé à prendre position, on est appelé à un impératif : défendre l’identité face à l’autre, on est sommé de revendiquer l’appartenance, souvent dans le déni de la possibilité pour l’autre de mettre en avant sa propre légitimité, voire d’être ou d’exister tout simplement. Et tout cela est absurde.

Pourtant, à toutes les époques, il s’est trouvé des gens pour considérer qu’il y avait une seule appartenance supérieure aux autres et qu’on pouvait appeler identité. Pour certains, ce fut la religion, pour d’autres, la nation ou encore la classe sociale. Mais il suffit d’étudier les différents conflits à travers le temps, à travers le monde, pour réaliser qu’aucune appartenance ne prévaut dans l’absolu. Pour citer Amine Maalouf : « Là où les gens se sentent menacés dans leur foi, c’est l’appartenance religieuse qui semble résumer leur identité entière. Mais si c’est leur langue maternelle et leur groupe ethnique qui sont menacés, alors ils se battent farouchement contre leurs propres coreligionnaires. »

Ainsi, les Turcs et les Kurdes diffèrent par la langue mais sont également musulmans. Cela n’empêche pas un conflit sanglant entre eux. Il y a 30 ans, en trois mois, 800 000 Rwandais allaient mourir dans des conditions atroces. Hommes, femmes et enfants massacrés souvent à la machette. Pourtant les Hutus et les Tutsis sont catholiques et parlent la même langue. Cela n’a pas empêché le génocide. Que dire du conflit fratricide entre les Ukrainiens et les Russes ? Dans les deux camps, la majorité est constituée de chrétiens orthodoxes. Cela n’a pas empêché la guerre.

Illusions et pièges donc de l’appartenance identitaire qui, au fond, est mouvante, jamais étroite, exclusive, bigote, simpliste et qui rend toute proclamation exubérante d’appartenance, insensée.

Comme on l’a vu, notre identité est constituée d’une foule d’éléments : la tradition religieuse, la nationalité, le groupe ethnique ou linguistique mais aussi la famille, la profession, le milieu social, les passions voire les préférences sexuelles ou les mêmes handicaps physiques.

Bien sûr, toutes ces appartenances n’ont pas la même importance, mais elles ne sont pas insignifiantes et constituent la personnalité ou, pour reprendre les propos de Maalouf, « les gènes de l’âme ». Résumer un être à un de ces traits uniquement et le cantonner à cela favorise, pour citer l’auteur des identités meurtrières, « à fabriquer des massacreurs ». C’est ainsi qu’on instrumentalise des êtres dans l’incapacité de cerner leur propre diversité, leur propre pluralité. C’est ainsi qu’on sème les germes de la guerre.

Il nous faut ne pas avoir peur de retrouver l’autre en nous. Avoir peur de l’autre, c’est avoir peur de la vie.

Notre identité est plurielle

Quid de la situation à Maurice ? Quid du Mauricien ? Comment le définir ? Comment cerner les contours du cœur battant de la culture, de la société, de l’identité mauricienne ? Nous ne pouvons être que lacunaire, car la construction de toute culture, de toute identité émane du visible et de l’invisible en sus d’être dynamique.

La pluralité culturelle, ethnique et religieuse du pays fait qu’il n’est pas toujours aisé de définir le Mauricien. On n’est pas toujours aidé en cela par l’État. Faut-il rappeler d’ailleurs cette réalité incongrue que 56 ans après notre indépendance, il ne nous est pas encore permis de nous porter candidats aux élections générales en tant que Mauricien ? Faut-il rappeler que notre passeport ne parle pas de nous comme étant de nationalité mauricienne, mais comme étant des citoyens de Maurice?

Dans un article de presse paru dans un journal local, le professeur de philosophie Joseph Cardella, provocateur, titrait ainsi son article : « Le Mauricien n’existe pas ». Il considérait ainsi que la formule « les Mauriciens » serait plus appropriée, car non seulement les origines des Mauriciens d’aujourd’hui sont diverses mais également, face aux angoisses engendrées par la mondialisation et les crises contemporaines, la réalité mauricienne se complexifie et se traduit localement par un émiettement de la société dont les contours ne sont pas que religieux ou culturels, mais aussi sociologiques et existentiels. On parle même ici d’hyper-fragmentation. C’est ce que démontre la plus vaste enquête sociologique jamais réalisée à Maurice. Quatorze socio-styles mauriciens différents furent ainsi identifiés !

Deux traits communs cependant ont été identifiés. Premièrement, une constante préoccupation à vouloir concilier deux intérêts majeurs : accompagner les grands mouvements planétaires sans renier ses valeurs et ses traditions. Et, deuxièmement, une peur viscérale du regard de l’autre. Ce regard porté par l’autre sur nos actes reste redoutable et déterminera grandement la décision du Mauricien. Cette peur est, peut-être, ce que les Mauriciens ont de plus fort en commun, et elle s’apparente aux peurs fondatrices des cultures telles que celles identifiées par le Professeur Philippe d’Iribarne. Mais, dans le creuset mauricien, au-delà de ces traits communs, tout se conjugue au pluriel. Notre identité est plurielle et elle est constamment réécrite par les influences aussi bien internes que venant de l’étranger. C’est ainsi que notre histoire a été écrite et qu’elle continue à être écrite.

On parle très souvent à Maurice de l’unité dans la diversité. Il serait probablement plus judicieux d’inverser la formule et de dire : la diversité dans l’unité. En effet, dans l’unité de l’être mauricien git la diversité. Une diversité qui ne cesse de se nourrir aussi bien des racines diverses constitutives de notre histoire mais, également, de la complexité du monde et des influences venues de l’étranger.

Pour autant, est-ce un problème ? Être sous influence est-il problématique ? Je répondrai à cette question par une autre question : est-ce un problème d’être vivant ?

Faire le pari de la vie

Les Mauriciens sont au cœur de la vie. La vie est flux et reflux. La vie est mouvement. La vie est influence. Être influencé ou influencer, c’est être au cœur du vivant, c’est ouvrir une porte à la possibilité de la transmission. Dans les deux sens. Entre l’autre et soi. Entre soi et l’autre.

On ne vit pas en autarcie, et le vivant requiert nourritures spirituelles, culturelles, artistiques, politiques et sociales qui ne peuvent venir que de l’autre. L’entrisme fige et sème les conditions de l’appauvrissement, du déclin, de la finitude programmée.

Ce que nous sommes, nous le devons à des traditions, des visions du monde, à des cultures, à des religions, à des philosophies, à des démarches politiques, à des traités internationaux signés par l’État mauricien, à des événements historiques locaux et internationaux qui, au fil de nos trois siècles d’histoire, nous ont construit et continuent à nous construire.

Le Mauricien comme tout être humain n’est pas et ne peut pas être un produit fini. Il est vivant. Il est un processus. Entre l’ancrage et le mouvement, il n’y a pas à choisir : il faut les deux. Savoir qui nous sommes, avoir des références, n’empêche pas le dépoussiérage et la remise en question. Toute influence n’est pas à être accueillie aveuglément et candidement. Mais la porte doit être laissée entrouverte pour que les vents du dehors aèrent la pensée menacée par la sclérose et le mortifère.

Il faut qu’on se mette dans le sens de la voie, étant entendu que la voie n’est autre que l’irrésistible marche vers la vie ouverte, autrement dit un principe de vie qui maintient ouvertes toutes ses promesses. Nous cherchons à marcher ainsi vers la vie ouverte, non brimée, libre, débarrassée de ces préjugés qui nous enferment dans une vision appauvrie, biaisée, voire erronée du réel pris dans sa complexité. Nous devenons force de vie, nous nous mettons dans les meilleures conditions pour nous mettre au service de la vie.

L’autre nous apporte le souffle qui nous permet de rester braise et ne pas devenir cendre. Il s’agit juste de trouver le bon équilibre entre l’ancrage et le mouvement et, pour nous Mauriciens, d’apprendre à avoir moins peur de l’autre et de son regard, voire de son influence.

Sur le chemin de la fraternité universelle, il nous faut ne pas avoir peur de retrouver l’autre en nous, de retrouver au cœur de notre identité cet étranger qui, par le biais de son existence, vit aussi en nous ; il s’agit, oui, de retrouver cette humanité commune qui nous relie.

On ne veut pas toujours le voir et le revendiquer, mais le Mauricien est pluriel. Et en raison même de cette situation, au fond privilégiée, nous sommes des êtres frontaliers, traversés par des lignes de fracture ethniques, religieuses ou autres, et nous sommes appelés à jouer un rôle important dans le devenir du monde.

Bien qu’il y ait aujourd’hui des signaux inquiétants qui indiquent un délitement de notre pacte social, entre autres induit par l’importation de querelles extérieures et la tentation du repli, nous incarnons en effet la possibilité de la pluralité heureuse, et nous pouvons aider à tisser des liens, dissiper les malentendus, raisonner les uns, tempérer les autres, aplanir, racommoder. Nous avons la vocation d’être des traits d’union, des passerelles, des médiateurs entre les diverses communautés, les diverses cultures. Chaque Mauricien est un peu l’autre. Le brassage ou la bâtardise a produit une osmose. Et c’est pourquoi nous devrions ne plus avoir peur de l’autre et apprendre à assumer nos appartenances multiples.

Avoir peur de l’autre, c’est avoir peur de la vie. Il ne s’agit certes pas d’être naïf et se laisser cannibaliser par l’autre ; il ne s’agit pas de nous perdre, il s’agit au contraire de nous trouver. En se frottant aux questions difficiles. Aux religions différentes. Aux idées des autres. Aux livres des autres. Aux révolutions intellectuelles et aux tressaillements de l’histoire. C’est ainsi qu’on déploie sa singularité. C’est ainsi qu’on explore notre propre altérité. Oui, il s’agit de nous trouver. Plus tout à fait le même, pas tout à fait autre. Juste un être, au coeur du devenir, riche de la substance apportée par l’autre par le biais de l’influence et de l’échange.

Il ne faut pas craindre d’être un processus. Être un produit fini est synonyme de déliquescence et de la mort. Il nous faut refuser l’idée de l’enfermement définitive dans une identité. Une telle démarche nous appauvrit et attise la haine de l’autre, car on est alors dans l’incapacité de voir notre humanité commune. Il faut au contraire faire le pari d’être porté par les tensions et les influences inhérentes au vivant, il nous faut faire le pari d’être porté par le devenir.

Il nous faut faire le pari de la vie.

Gillian Geneviève
Gillian Geneviève est enseignant et écrivain.