Par Danen Beemadoo
Dès son jeune âge, l’administration locale a connu des reformes, et elle est souvent remise en question. La Local Government Act fut amendée plusieurs fois depuis son existence et la dernière en date est la Local Government Act 2011, le maire étant désormais élu pour un mandat de deux ans. Avant de réfléchir à l’avenir, posons-nous la question : comment ferions-nous sans une administration municipale ou de district ?
La Local Government Act 2011 a pour disposition de fournir un cadre législatif d’un système démocratique, efficient, efficace, inclusif et un système responsable de collectivités locales permettant aux communautés locales de gérer de manière autonome, à travers des collectivités locales élues, le bien-être économique et social de leur domaine.
Les collectivités locales sont responsables des services suivants : la voirie, l’entretien des drains, l’éclairage des routes, l’asphaltage et l’entretien des routes secondaires ; la maintenance des infrastructures municipales telles que les jardins, stades et autres centres de loisirs ; l’octroi des permis de construction ; résoudre les problèmes sanitaires et de voisinage ; et assurer le respect de divers règlements municipaux.
La loi est claire et résume tout dans une phrase. Cependant dans la pratique, on s’égare. L’élément qui ressort est l’autonomie. Et le système actuel ne démontre pas l’autonomie tant souhaitée. Le budget municipal dépend de la subvention qui provient du gouvernement central, et une infime partie de la taxe immobilière. Et plus de 70% sont absorbés par les salaires des employés de la municipalité.
Auparavant, les collectivités locales étaient aussi collectrices de patentes : tout commerce ou activité économique avait à payer une licence auprès de la municipalité, que ce soit l’épicier du coin ou une grande entreprise. Néanmoins depuis quelques années, c’est n’est plus le cas, car c’est le gouvernement central qui collecte ces revenues, ce qui a un impact direct sur les revenus des collectivités locales.
Elles deviennent de moins en moins autonomes. Pour qu’une commune soit autonome, elle doit impérativement être financièrement indépendante pour y arriver. Est-ce que nos villes et districts ont la capacité, le moyen et les ressources humaines et économiques de prétendre à être autonomes ? Est-ce que nos citadins ont l’attitude et l’aptitude nécessaires à accepter de vivre cette autonomie ? N’empêche que nous pouvons espérer à une autonomie à la rodriguaise.
Les municipalités et conseils de district tombent sous la responsabilité du ministère des collectivités locales, du Ministry of Local Government. Qui dit local government dit gouvernement. Cela implique que les collectivités locales sont le gouvernement. Dans la pratique, il y un grand écart. Par exemple, les véhicules du gouvernement sont achetés sans taxe douanière, ne sont pas assurés et ne paient pas la taxe routière. Alors que les véhicules des collectivités locales sont traités comme pour une compagnie. Les parkings payants sont entretenus par les collectivités locales, mais les recettes sont collectées par une autre institution, la NLTA.
La même chose s’applique aux projets d’envergure. Les administrations locales dépendent des subventions (capital grants) afin de pouvoir se lancer dans certains projets. Sinon, c’est la National Development Unit qui prend en charge les projets d’envergure, tels les gymnases, le terrain de foot ou les autres grandes infrastructures. Par la suite, ces mêmes infrastructures seront sous la responsabilité des collectivités locales en termes de gérance et de maintenance.
L’aménagement du territoire très négligé
Tout cela reste dans le domaine de la gestion quotidienne, le day-today running, comme on le dit couramment. Le rôle important et primordial d’une collectivité locale reste l’aménagement du territoire. Force est de constater que cela fut un aspect très négligé des collectivités locales et des gouvernants depuis l’indépendance du pays. Le dernier exemple est Ebène. Quand les gouvernants d’alors ont voulu transformer le village d’Ebène, qui était un camp sucrier pour les laboureurs de Highlands Sugar Estate, (un projet fort louable et lucratif), ils n’ont pas pris cela en considération. Les chemins ont été faits pour un morcellement résidentiel. Alors que Ebène est destiné à devenir une technopole, avec des bâtiments de plus d’une dizaine d’étages, il y a maintenant un flux de trafic fort important, des autobus et bientôt le métro.
Le système actuel ne démontre pas l’autonomie tant souhaitée.
Imaginons une portion de terrain de 100 toises abritant une maison pour une famille de 4 ou 5 personnes, avec une ou deux voitures. Maintenant sur cette même portion de terrain, un bâtiment de trois étages est construit, abritant 5 appartements, 5 familles comptant 20 personnes et 10 voitures. Déjà dans la ruelle, il y une augmentation de flux de trafic, de personnes, de déchets. Cette même portion de terrain ne peut supporter cette augmentation de charges. La région n’a pas été conçue pour cela.
C’est là que les Mauriciens ont failli. Quand la première municipalité fut créée, c’était pendant la révolution républicaine sous l’administration française. Il suffit de jeter un regard sur Port Louis et Mahebourg, deux localités établies sous l’administration française et sous le gouvernorat de Mahé de Labourdonnais, ensuite faire la différence de l’aménagement du territoire sous l’administration britannique, et jeter un regard sur Port Mathurin et Seychelles avec les rues étroites. Alors que notre judiciaire est basé sur le code Napoléon, il est dommage que la planification de nos territoires n’ait pas suivi la même direction.
Le poste du maire est aussi appelé le premier magistrat de la ville. Encore une fois, dans la pratique ce n’est pas le cas. Une collectivité locale à Maurice comporte au moins deux circonscriptions, sauf pour Port Louis, la capitale, qui comprend quatre circonscriptions. Et une circonscription est amenée à avoir trois députés. La rémunération d’un maire est cinq fois moins que celui d’un député. Si nous souhaitons vraiment que nos collectivités locales fonctionnent d’une façon plus autonome et plus efficace et efficiente, nous devons commencer à réfléchir à un changement en profondeur.
En marge des élections municipales, la préoccupation principale des citadins est la maintenance des drains, l’éclairage des rues, l’asphaltage des rues et le ramassage d’ordures. En d’autres mots, les choses qui touchent le quotidien des gens. Depuis plusieurs années, les Mauriciens se sont tournés vers l’individualisme.
Une collectivité locale, de par son appellation, parle de collectivité, de groupe, de regroupement, d’entente. Cette cohésion aurait été plus cohérente et palpable si chaque commune était autonome. Chaque commune sera amenée à appliquer sa propre législation, sans être en contradiction avec les lois existantes, afin de générer ses revenus. Ce sentiment de fierté et d’appartenance sera beaucoup plus vivant, comme dans les morcellements privés, ou gated residences, où le résident est fier, car les services offerts des lieux correspondent aux redevances qu’il paie, et il y a une certaine démocratie participative à travers un syndic. Si cela peut se faire en petite communauté, nous pouvons le reproduire à une plus grande échelle, mais de manière graduelle et inclusive.
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